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Des anars au Grand Prix (2ème partie): Plus Nascar que caviar

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J’ai assisté au Grand Prix. À la gracieuse invitation d’un ami, que je tiens d’ailleurs à remercier chaleureusement pour cette occasion, j’ai pu voir de mes propres yeux le moment culminant de cette semaine folle qu’est le "grand cirque capitaliste" du Grand Prix de Formule 1 de Montréal, la course. Cela m’a permis de confirmer, mais aussi de briser certains préjugés que j’avais par rapport à l’événement (que je sais partagés par plusieurs) et tenais donc à vous faire part de mes impressions.

"Par ici s’il vous plaît, monsieur"

Alors que l’année dernière le simple fait d’être descendu au métro Berri-UQAM pour rejoindre des amis m’avait valu une belle heure de détention préventive, la charmante compagnie d’une dizaine de nos valeureux agents de la paix et la fouille illégale de mes effets personnels, cette année les agents du SPVM ne se pouvaient plus des formules de politesse. Ça donnait du monsieur par-ci, du monsieur par là.

Lorsque je leur soulignais cette curieuse dichotomie, nos vaillants protecteurs de la loi et l’ordre ne me renvoyèrent qu’un sourire figé. Comme quoi, si l’année dernière j’étais à leur yeux un dangereux terroriste, ma collaboration à cette orgie consumériste me réhabilitait complètement. Un bon citoyen, pardon, un bon consommateur finalement rentré dans le rang … Mais passons.

Plus Nascar que caviar

La première chose qui frappe lorsqu’on entre sur le site, c’est la composition de la foule. Contrairement à la fascinante étude zoologique que nous propose la faune "douchebag", pitounes siliconées et gros bras aux tatouages tribaux, qui envahie le centre-ville et particulièrement la rue Crescent au cours de ce week-end de démesure, les spectateurs de la course elle-même sont… étonnamment prolétaires.

En grande majorité formée de Québécois, petite classe moyenne, de jeunes familles et de vieux amis, ils sont loin de représenter la luxure qu’inspire généralement ce sport de "richissimes". Seul événement public à Montréal où il est permis d’apporter ses propres consommations autant côté alcool que bouffe, les prix de ses concessions sont, par le fait de cette compétition, raisonnables. Alors que je m’attendais à une autre de ces orgies de consommations que sont souvent nos événements estivaux, je me retrouvais au cœur de la sortie rêvée pour la classe ouvrière québécoise.

La sortie que nos banlieusards économisent toute l’année pour se payer. Boire des bières entre amis et pique-niquer en famille. À part les quelques visages familiers dans les loges de prestige, on était loin de l’image que je me faisais de la chose. Bref, une foule beaucoup plus Nascar que caviar.

Seul malaise, l’omniprésence de militaires en uniformes partout sur le site.Étaient-ils là pour assurer la sécurité? Pas du tout, l’armée canadienne leur offrait gracieusement des billets pour l’événement… à condition qu’ils se présentent sur le site en uniforme complet, sac-à-dos et tout le tralala. Mais bon, comme me l’a dit un des soldats, "c’est très désagréable de se trimbaler tout ça dans cette chaleur, mais j’ai pas le choix, sinon j’aurais jamais les moyens de me payer des tickets". L’armée se paye ainsi une belle petite vitrine publicitaire, encore une fois aux frais des contribuables.

C’est fou ce que notre gouvernement peut être gentil avec nos hommes et nos femmes en uniformes.

Une arme de distraction massive

Il ne faut pas oublier par-contre, que le Grand Prix, c’est surtout une arme de distraction massive à l’attention de ses opposants et de la population québécoise en général. Pendant qu’anticapitalistes, féministes et écologistes sont occupés à dénoncer (avec raison) l’exploitation sexuelle, la culture du char, de la consommation et de l’irresponsabilité environnementale qui en découle, le véritable scandale de la F1 lui passe sous le radar.

En effet, la "Droite" économique profite chaque année de la tribune que leur offre cette effervescence estivale pour tenter de nous faire avaler leurs salades sur les fameuses retombées économiques et présenter à une population, qui les voit sous une lumière positive (du pain et des jeux, mesdames et messieurs), leurs doléances pour plus de subventions.

Ben oui, alors qu’on est trop occupé à dénoncer les conséquences de tels événements, on oublie de s’attaquer aux causes. Nos joyeux BS corpos en profitent pour se remplir le portefeuille sous nos yeux, trop obnubilés que nous sommes par tout le flash et le bling-bling qu’ils nous font adroitement miroités.

Il pleut du cash?

Les retombées économiques, lorsqu’elles sont réelles, sont minimes. Effectivement, entre les subventions gouvernementales, les dépenses sécuritaires, la dégradation de la qualité de vie des résidents, la ré-organisation de la circulation et j’en passe, les profits sont minces. Ils se retrouvent dans les poches de quelques grands restaurateurs et hôteliers mais, surtout, dans les poches des promoteurs.

La fameuse manne touristique est elle aussi un leurre. La proportion de touristes qui viennent à Montréal exclusivement pour le Grand Prix est minuscule. La plupart des vacanciers viennent de la région montréalaise et auraient très certainement dépensé le même budget de divertissement bien que différemment. Ils nous prennent vraiment pour des caves.

Pendant que des mecs comme Ecclestone nous font du chantage pour qu’on leur en donne plus à chaque année et qu’un insignifiant comme Gilbert Rozon (festival Juste pour rire) n’a de cesse de téter toujours plus de fonds aux mamelles de l’État, lui qui vilipendait les paresseux et irresponsables étudiants l’été dernier, on coupe dans les services sociaux. Tant pis pour les plus démunis, on laisse ces profiteurs siphonner une plus en plus grande part de notre richesse collective.

Il est là le vrai scandale de la F1. Pas dans les gradins de l’île Notre-Dame, ni même sur la piste de course ou dans les paddocks. Il est dans les tribunes médiatiques, dans le silence complice de certains journalistes, dans les couloirs de l’hôtel de ville, de l’Assemblée nationale ou du parlement fédéral. Qui sait, peut-être même parfois derrière les portes closes du 357c.

Il est là le vrai scandale de la F1. Dans cette collusion grandissante entre notre gouvernement et le privé, encore et toujours au détriment du citoyen.

Pour lire la première partie: Bibi va sur Crescent (par Emmanuel Cree)

Crédit photo oseillo



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